Animalier
Guy Lioult est sculpteur animalier. Il
s'inscrit dans la lignée de grands aînés comme Pompon, Barye, Bugatti, Mène…
dont il a approché, observé les œuvres pour ensuite s'en distinguer. Loin de la
tradition de rondeur qui souvent caractérise cette expression académique, Lioult
se plaît à disséquer les formes, à exposer la complexité de l'ossature sous
l'évidence de la peau, révèle les reliefs intérieurs, le jeu des plans, traduit
les pleins et les rides de l'architecture corporelle de chaque créature.
Bestiaire de Bronze
Lioult
privilégie l'observation et la représentation d'animaux sauvages et familiers.
Après des études poussées, il fixe la posture qui met en valeur le caractère de
l'animal, chasseur ou guetteur. Il assume pleinement le paradoxe du choix d'un
matériau ancien, le bronze, pour renouveler un mode de sculpture marqué par le
classicisme, tout en cultivant parallèlement un champ d'explorations plastiques
contemporaines. Si l'on tentait une comparaison avec la musique, qui nourrit son
univers, Lioult évoluerait du classique au jazz de fusion, comme Michel Portal
passe d'un genre à un autre avec un égal bonheur. Son bestiaire de bronze est
riche de casoar, tapir, marabout, cercopithèque de Brazza, serpentaire,
suricate : transcriptions audacieuses des curiosités de la nature dans un
matériau noble qui fut et sera.
Cire
Le travail de la cire préfigure l'œuvre en
bronze à venir. C'est par la méthode de la cire perdue que sera obtenue la pièce
unique imaginée. Pour Lioult, la cire est devenue un matériau phare dont il
apprécie la maniabilité et la complexité. À force de la modeler, en
plaques, pour donner formes et attitudes aux créations de son bestiaire, il
perçut les possibilités qu'elle lui offrait pour des investigations plastiques
singulières. Peu à peu, il se mit à créer des sculptures à la cire,
puis des paysages sur panneaux de cire : visions fluides ou aériennes de
reliefs sillonnés, échancrés, gravés, empreints de courbes d'eau et de niveaux,
accentués par l'opposition lumineuse d'une bichromie marquée par les blancs et
les noirs, parfois contredite par l'irruption d'un désir de rouge.
Discrétion
Guy Lioult est un artiste discret,
dirigé par la passion de la recherche et peu enclin à la monstration
superficielle. Il tend vers des aboutissements dont il repousse sans cesse le
terme, motivé par une exigence dont notre société de la satisfaction primaire,
du vite accompli, a quasiment oublié le sens. Lioult se veut un
explorateur tenace qui, avant d'agir, réunit des cartes, trace des plans,
projette des desseins et poursuit ses pistes tant qu'il n'a pas le
sentiment d'une exactitude dont toutefois il continuera à douter. Il montre son
travail avec parcimonie, mais les amateurs éclairés ont su détecter son talent.
Ses sculptures animalières trouvent place chez des collectionneurs au Canada, en
Angleterre, aux Etats-Unis…
Egypte
Lioult
reconnaît que les portraits funéraires égyptiens de l'époque gréco-romaine,
peints sur bois à l'encaustique, et dits du Fayoum en
référence à la région de la moyenne Egypte dont ils sont issus, font partie du
processus déclencheur de son désir d'exécuter à son tour des portraits sur
plaques de cire. Ce fut comme un défi : oser confronter la cire, matériau
hautement tactile, à un art marqué par une tradition millénaire : le
portrait. Lioult pense que réitérer les tentatives de jadis avec les moyens
contemporains dont il dispose devrait donner des résultats inattendus.
Exploration en cours.
Fer à
repasser
Outil détourné par Guy Lioult pour dessiner sur feuilles de
cire des paysages imaginaires et des portraits. Le fer lui permet de graver et
d'étendre la matière, de la plisser, de mélanger les couleurs par fusion et
retrait, dans un geste d'urgence, car la chaleur exige l'instantanéité.
Guyane
Guy
Lioult a passé deux ans en Guyane comme formateur auprès d'élèves menuisiers
ébénistes. Ce pays lui offrit une expérience incomparable de la virginité
naturelle absolue. Ses paysages, vus du ciel, ne sont pas étrangers à certaines
visions orographiques qu'il grave dans la cire. Il retient de la Guyane
l'étrangeté de sa faune qui continue à hanter son imaginaire. Il a d'ailleurs
réalisé les armoiries de Cayenne : deux tamanduas, fourmiliers, cernant le
blason de la ville. Cette première mission en Guyane sera pour lui le point de
départ d'un parcours de formateur auprès d'artistes et d'artisans qui le mènera
en Guinée Bissau, aux Seychelles, à l'Ile Maurice, au Canada, à Sainte-Lucie et
au Cap-Vert, avec partout le même objectif : apporter une exigence
artistique à des productions artisanales locales.
Héritage
Héritage paternel. Guy Lioult
est né dans les copeaux grâce à un père menuisier qui, dès son jeune âge, lui
fit confiance, le laissa toucher les outils. Son goût pour la sculpture est né
au cours de ces innombrables heures passées dans l'atelier paternel. À douze
ans, il reproduisait dans des bouts de bois des têtes de femmes africaines et
des animaux de la savane à partir d'images trouvées dans les paquets de
biscuits. Cette première phase de découverte sera suivie par un patient
cheminement d'apprentissages : menuiserie, charpente, ébénisterie,
ornementation, restauration. Cette accumulation de savoir-faire l'autorise
aujourd'hui à explorer en toute liberté les espaces pluriels de la création
artistique.
Initiation
Lioult doit la maîtrise de
son art, la science de l'observation, la sûreté de ses gestes à une succession
de rencontres influentes avec de généreux passeurs de savoirs, aussi bien
d'humbles artisans que des détenteurs de profondes traditions. C'est ainsi qu'il
s'initia à la sculpture sur bois, à la sculpture ornementale régionale. Il fut
l'élève d'Édouard Martin, maître de dessin et de composition ornementale,
lui-même bénéficiaire des cours de François Pompon à l'École Boulle. Par la
suite, le sculpteur Roland Decrevel, disciple d'Auricoste, le replacera face à
l'art moderne et à l'usage de multiples matériaux : bronze, fer forgé,
récupération…
Jardin des
Plantes
Souvenir d'avoir escaladé de nombreuses fois le mur du Jardin
des Plantes, côté Jussieu, pour pouvoir y travailler à volonté, sans payer à
chaque fois le prix d'entrée : faveur demandée et refusée par
l'administration du célèbre parc alors qu'il suivait les cours supérieurs de la
Ville de Paris en dessin et modelage. Du Jardin des Plantes, Lioult a rapporté
de nombreux croquis de vautours, tigres et félins, oiseaux de toutes plumes…
Kalash
Une pièce
rare. Il s'agit d'une statuette en bronze, doré à la feuille (16cm x 8cm x 4cm),
reproduisant l'effigie funéraire d'un homme de prestige chez les Kalash,
montagnards polythéistes et chamanistes de l'Hindu-Kush, au nord-ouest du
Pakistan. Elle représente un gandao, cavalier montant un cheval à deux
têtes et six pattes. L'original, en bois, est exposé au musée de Peshawar et
mesure près de deux mètres de haut.
Luth
La première
œuvre du bestiaire sculpté de Guy Lioult fut une tortue-luth, exécutée d'après
les souvenirs ineffaçables que lui laissa le spectacle émouvant de la ponte sur
les plages de Guyane. Acte primordial qui renvoie à la nuit des temps et
création initiale d'une sculpture en bois, fondue en bronze par la technique
dite au sable, puis dorée par galvanoplastie et ciselée.
Mutation
La
maîtrise des techniques les plus diverses et la fréquentation de la plupart des
matériaux à la disposition d'un créateur font de Guy Lioult un artiste aux
langages pluriels, toujours prêt à tenter une aventure plastique inédite. S'il
écrit avec prédilection un chapitre personnel de l'histoire de la sculpture
animalière, il ne se prive pas de composer des partitions d'art conceptuel comme
"Paysages d'enfance", placages de bois assemblés et exposés à l'occasion de
l'inauguration du Théâtre de Vire. On citera entre autres : "Canopée",
paysage aérien constitué de chevilles de bois, "Le bateau jaune", compression de
vêtements marins, "Le cocon", placages de bois créé au Québec en hommage aux
cultures amérindiennes.
Normandie
Guy
Lioult est né à Vire, en Normandie, le 23 décembre 1955, et avoue bénéficier
d'origines complémentaires, terrienne et marine. Il doit au bocage normand la
permanence d'une certaine sérénité, la vertu de savoir attendre. La campagne
reste nécessaire à son équilibre. Son enfance fut peuplée de percherons, de
vaches, d'animaux domestiques et familiers, et marquée par les marchés aux
bestiaux de Vire. À l'âge adulte, ses troupeaux se sont diversifiés, incorporant
plus de fauves et d'oiseaux rares que de paisibles ruminants, mais la vache
tient toujours, au bout de ses doigts, une place de choix.
Ornemaniste
Définition
officielle : spécialiste du dessin ou de l'exécution de motifs décoratifs
en plâtre ou en stuc. Lioult aborde cette spécialité à Paris, auprès d'Édouard
Martin, dernier professeur d'ornement à l'École Boulle, mais il se spécialise en
ce domaine dans le bois et la pierre. Il apprend à analyser les styles de la
décoration sculpturale extérieure et à dessiner des mascarons de façades, des
clés de voûte, des trumeaux de portes cochères, des consoles de balcons, des
fontaines… De même, il acquiert la science du mobilier sculpté et des boiseries.
Pendant cinq ans à Paris, Lioult évolue entre le XVIIe et le XVIIIe siècles,
restaurant des meubles de cette époque, garnis de fleurs décoratives et peuplés
d'animaux calmes. Il attend l'heure de devenir artiste.
Portraits
Pour
cette nouvelle histoire d'exploration des capacités de la cire à se plier à la
représentation humaine, Lioult cherche à exprimer le trait de personnalité qui
le frappe chez les modèles qu'il a élus : des artistes qui lui sont
proches. Il vise moins la véracité figurative que la captation d'un regard
inquisiteur, d'une gueule d'Indien, d'un éclat poétique… Ses portraits émergent
d'une collision de traces que seuls permettent le dessin au fer à repasser et la
fièvre de l'urgence.
Quincié-en-Beaujolais
Débarqué en
Beaujolais, face au Mont Brouilly, par les hasards de la vie, ce Normand quête
depuis 1985 dans le berceau d'une combe, à l'ombre d'une colline au nom
querelleur de Bataillon, au cœur d'une mer de vignes, le calme nécessaire à la
réalisation de ces choix créatifs, le plus loin possible des tapages et des
réseaux mondains, afin d'incruster son œuvre dans la pérennité. Son atelier
ressemble au laboratoire d'un inventeur ou au bureau d'un naturaliste, dont les
étagères seraient occupées par une flopée d'échassiers et des rangs d'espèces
carnivores réduits à un silence de bronze.
Ravel
Ravel ou
Reich (Steve) signifient l'importance de la musique, indispensable liant, le
besoin de notes qui facilitent chacun de ses gestes créatifs. Ravel le
transporte, mais il y a aussi Bach et Anouar Brahem, tout comme les sons
particuliers des instruments issus des cultures les plus lointaines.
Shire
Ce cheval
de trait d'origine normande, récupéré par la paysannerie anglaise, se distingue
par son gigantisme. La rencontre du Shire, géant des "traits", et de Lioult
s'est faite sur Internet. L'artiste, fasciné, a aussitôt cherché un éleveur, l'a
trouvé dans un haras d'élevage de l'Ain, où il a été autorisé à passer de
longues heures d'observation dans les champs, à le modeler à la cire, sur place,
à s'imprégner de sa particularité… Depuis peu, le Shire fait l'objet d'une
nouvelle série de bronzes.
Terre
Lioult se
définit volontiers comme un terrien, rassuré par cet élément que,
paradoxalement, il n'aime pas travailler en tant qu'artiste. Matériau trop mou
pour lui, dit-il, qu'il façonne pour le besoin de commandes, pas pour le
plaisir. Son rapport à la terre, en revanche, est viscéral dans tout ce qu'il
cherche à représenter. Même dans ses expressions les plus conceptuelles, la
terre et les créatures qui la peuplent, la vie qui l'anime, sont concernées. Au
moins de manière symbolique.
Urubus
Vautours
d'Amérique rencontrés en Guyane. Leur présence constante dans les rues des
villes, sur les toits des maisons, perchés comme des pigeons familiers, a
inscrit les urubus dans sa rétine. Lioult leur a consacré de nombreuses études
en plâtre.
Viole de
gambe
L'ancêtre du violoncelle a toujours exigé du luthier qu'il soit
à la fois bon facteur et habile sculpteur puisque, traditionnellement, le
terminal du chevalet de cet instrument baroque est décoré par une petite
sculpture de figure humaine. Ce double talent est devenu rare aujourd'hui. Un
luthier demanda donc à Guy Lioult d'effectuer pour lui toutes les figures de
chevalet de ses productions. Ainsi commencèrent une collaboration et une
complicité qui durent depuis de nombreuses années et qui s'intensifièrent à la
suite du succès commercial du film d'Alain Corneau, "Tous les matins du monde".
En effet, les demandes de violes de gambe grimpèrent en flèche, et Lioult eut à
répondre à des souhaits aussi particuliers qu'une grenouille, un mamelouk, un
âne, le portrait d'un enfant … parmi des centaines d'autres…
Wattusi
Bœuf
d'Afrique du sud doté de cornes immenses. En 1989, Lioult, séduit par la beauté
génésiaque du wattusi, l'amplitude de ses cornes, en réalisa une pièce en
bronze.
Xylogravure
Technique d'assemblages de
reliefs à l'aide de différents matériaux en vue de réaliser des matrices
destinées à l'estampe. Lioult, qui a suivi une formation complémentaire à la
gravure, s'est souvent servi de cette technique pour enseigner la gravure aux
enfants dans le cadre d'ateliers d'initiation aux arts plastiques.
Yack et
Yoruba
Deux études en plâtre, l'une dédiée à
l'auxiliaire le plus précieux des humains dans les hautes vallées de l'Himalaya,
et l'autre répondant à une fascination pour l'harmonie de la plastique
africaine : une étude de visage yoruba peint en bleu Klein.
Zoo(s)
Lieux
idéaux pour tenter de comprendre la liberté animale au-delà des entraves de la
captivité. À son arrivée en Beaujolais, quand il décida de se consacrer
exclusivement à sa démarche artistique, Lioult fréquenta assidûment le zoo de
Romanèche-Thorins, répétant le dialogue silencieux, l'observation soutenue
qu'avaient entrepris ses illustres prédécesseurs, Pompon et Bugatti, avec les
hippopotames, rhinocéros, singes et félins, afin de percer les secrets de la
structure animale.